Premièrement : encore un bouquin de Brelok avec un super titre.
Deuxièmement : le pétrole, le plastique, envahissent tout. Voilà pour les hydrocarbures : à en avoir presque honte de respirer.
Troisièmement : pourquoi burin ? Pour casser les oreilles – et voilà pour le titre.
Quatrièmement : c’est le genre de livre dont on aimerait citer tout le texte pour pouvoir en causer avec les gens plutôt que de devoir le résumer. Snif.
Cinquièmement : cette chronique commence mal, on n’y comprend rien, mais c’est normal : Burin, hydrocarbures ne commence pas bien non plus et pour tout dire sans trop spoiler, si on comprend des trucs de ci de là, on ne va jamais accéder à une cohérence, à une structure qui donnerait sens à l’ensemble.
Pour commencer :
« Pour commencer/tu dis bonjour/mais/ça commence mal/ton bonjour il/sent les/pièces rouges,/c’est comme ça, toi ton bonjour/prend à la bouche, et il rappelle/le goût désagréable de certain/métal/le goût qui tire vers l’aigu/du métal dans la bouche. »
Ce goût de métal, on ne s’en débarrassera plus. Pas plus qu’on ne parviendra à se sortir le cliquetis de pièces rouges de la tête, ce bruit irritant qui nous semble nous ranger dans la catégorie des personnes discount. L’univers, c’est :
« Des journées entières qui sont/meublées en langue de fatigue/des corridors blancs de fatigue/des chambres d’hôpital un peu/palotes des/voitures qui n’ont pas bonne mine/et des bouquets de fleurs/qui sont faits de/fatigue. »
On s’accroche pourtant, quelqu’un essaie de dire des trucs ici – quelqu’un dit JE,et s’adresse à un TU – lui-même ? Un ami imaginaire ? Un double, l’être aimé, nous, lecteurs et lectrices ? Est-ce que ça fait une différence ? – avec un goût de la répétition, qui ressemble moins à une afféterie poéticienne d’époque qu’à un effort pénible pour garder le fil, circonscrire et creuser le propos.
Même si ledit propos n’est pas des plus réjouissants : « les étoiles s’emmerdent », on sort « un vase/avec dedans/par exemple des fleurs/pour cacher toutes/les têtes de la/jolie famille », lorsque « Tu parles, et ça fait un petit texte qui mettrait l’ambiance en bas d’une carte Magic pour pas qu’il y ait rien. »
Malgré le décousu du texte, on finit par comprendre que Brelok dresse une sorte de temple de verbe pour la timidité, les complexes, l’envie de disparaître, la fatigue de ne pas être compris/ne jamais dire ce qu’il faut quand il faut. Avec, au fond, une trace de culpabilité collective :
« Mes mains c’est des avions/mes yeux c’est des avions/et ma respiration c’est/des tonnes de kilotonnes de carbone/et je m’endors dans du plastique/et je me vautre dans le bruit/que continue toujours à faire le/plastique à mes oreilles/dans mes oreilles/dans mes tympans/et je me mords la langue/et je transpire des odeurs de Chine/du style caoutchouc rance et pétrole. »
Il y a des moments de relâche : les cages d’escalier qui respirent « l’odeur du gros teuch », le mélange de « 7.2 et de vodka flash/celle qu’on vend emballée/dans du carton/et du plastique » et qu’on déballe comme un jouet pour enfant – et il me semble que là est la clé du texte : des images à déballer comme un jouet pour enfant, recelant quelque chose comme la possibilité d’un émerveillement, un émerveillement souillé et qui tape à côté mais un émerveillement quand même :
« nos rêves s’en iront,/comme les dinosaures de Jurassic Park/dans des vidéos avec doublage/de mélodicas drôles […] Peut-être que plus tard/mais bien plus tard aussi,/quelqu’un voudra refaire nos rêves/et quelqu’un refera, mais d’une/manière/fantaisiste/à la hâte/et selon son idée/domme une dilophosaure/à cracher/du pétrole. »
Pour cet émerveillement, pour ces images qui surgissent des coins les plus inattendus, il importe de continuer à parler. Coûte que coûte. Parce que tant qu’on parle on est vivant.
GRÉGOIRE DAMON