Deuxième lecture, l’avais lu à sa sortie. Cette fois encore, j’aime beaucoup le dispositif : suite de phrases interrogatives (sans points d’interrogations), sur une entité abstraite et collective, un ou deux mots changent à chaque ligne.
Ça paraît complexe dit comme ça, mais c’est très simple à la lecture.
Ça part de : « est-ce que les enfants sont gentils. » qui devient : « Est-ce que les enfants sont gentils parce qu’ils font des choses » « Les enfants sont-ils gentils parce qu’ils font des dessins » et ainsi de suite sur 90 pages.
Peu à peu arrivent des questions moins innocentes « Est-ce que les méchants enfants peuvent faire des gentils dessins » (l’artiste et l’oeuvre, hein ?). On passe des humains aux vaches, veaux cochons, (« Le cochon peut-il se faire des copains à l’abattoir. »… « Où va le sang qui se répand dans la mer. »), on brode autour des notions de mort, de dévoration, des mille activités attribuées aux humains et aux animaux. Dans les marges, dans les blancs entre les phrases, se dessine par l’absurde une histoire de famille assez effroyable, mais effroyable avec normalité, marquée par la violence, l’incommunicabilité, la maltraitance, de silence.
La virtuosité est bluffante, l’humour très pince sans rire, l’apparente froideur à parler de choses sordides comme si c’était un pur jeu de langage et de faire affleurer le non-dit
Extrait :
Est-ce qu’un cochon est affectueux.
Est-ce qu’un cochon est tendre.
Le cochon est-il nerveux.
Le cochon a-t-il des émotions.
La côte de porc est-elle tendre.
Le cochon a-t-il des des copains.
Pourquoi dit-on copains comme cochons.
Le cochon peut-il se faire des copains à l’abattoir.
Le père de l’enfant a-t-il des copains à l’abattoir.
Le père de l’enfant a-t-il des copains.
Est-ce que le cochon peut se faire un copain humain.
Est-ce que les humains aiment le cochon.
GRÉGOIRE DAMON